Lors d’un webinaire organisé sur le temps de midi, David Loquercio, responsable de projet durabilité à la FER Genève, a présenté aux membres de l’ASD son analyse de l’avant-projet visant la modification de l’article 964 du Code des Obligations. Ce dernier, qui traite de la transparence sur les questions de durabilité, est actuellement en phase de consultation. Cette révision est une adaptation à l’évolution du droit européen et a pour objectif d’harmoniser le droit suisse avec les nouvelles normes de l’UE suite à l’adoption de la CSRD (Directive CSR).

Afin de partager plus largement son expertise il répond aujourd’hui à nos questions.

Qu’est-ce que la CSRD et pourquoi la Suisse doit-elle s’y adapter ?

D.L : La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) est une directive européenne visant à renforcer la transparence des entreprises sur les questions de durabilité. La Suisse doit s’y adapter pour harmoniser son droit avec les nouvelles normes de l’UE, garantissant ainsi l’accès au marché européen et aux capitaux.

Q2 : Quels sont les principaux changements proposés dans l’avant-projet de modification de l’article 964 du Code des Obligations ?

D.L : Les principaux changements incluent la réduction du seuil d’employés à temps plein de 500 à 250 pour les entreprises assujetties. De plus, les seuils de chiffre d’affaires seront augmentés à 50 millions de CHF et ceux du bilan à 25 millions de CHF. Les PME cotées en bourse seront aussi incluses, à l’exception des micro-entreprises. D’autre part l’option « comply or explain » sera abandonnée. Enfin les exigences de rapport de durabilité seront aussi renforcées avec l’obligation de double matérialité, et la vérification des rapports par un audit deviendra obligatoire.Il faudra compter un délai de mise en œuvre de deux ans après l’approbation du projet de loi.

Q3 : Quelles sont les différences entre l’avant-projet suisse et la CSRD européenne ?

D.L : Les différences incluent le choix entre différentes normes (ESRS, ISSB, GRI) pour la rédaction des rapports. De plus, la non-application aux entreprises de pays tiers est prévue. Enfin, le cercle des entreprises agréées pour vérifier les rapports sera étendu.

Q4 : Quels sont les impacts positifs de cette adaptation législative ?

D.L : Cette adaptation peut encourager un comportement exemplaire des entreprises, accélérer les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et garantir l’accès au marché de l’UE et aux capitaux pour les entreprises suisses. Elle répond également aux exigences croissantes des banques en matière de durabilité pour l’accès aux prêts.

Q5 : Quels sont les défis pour les PME suisses avec cette nouvelle législation ?

D.L : Les PME devront fournir des efforts significatifs pour se conformer aux nouvelles exigences, notamment en matière de reporting de durabilité. Contrairement aux grandes entreprises, la plupart des PME n’ont pas encore d’équipes dédiées à la durabilité et devront développer cette expertise en interne.

Q7 : Quels seront les impacts organisationnels pour les entreprises ?

D.L :  Les entreprises devront comprendre les nouvelles exigences, collecter et analyser les données, les mettre en forme et les faire vérifier. Cela nécessitera des investissements financiers, le développement d’une expertise interne et des changements organisationnels et de gouvernance.

Q8 : Quel sera l’impact sur le marché des réviseurs ?

D.L : Les réviseurs auront accès à un nouveau marché conséquent, avec des frais de vérification annuels estimés à plus de 100’000 CHF par entreprise soumise à la nouvelle législation. Il reste à voir si les cabinets d’audit et de conseil en durabilité pourront absorber de manière simultanée l’augmentation de la demande.

Si le calendrier actuel est respecté, la loi pourrait entrer en vigueur courant 2027. Cependant, des délais supplémentaires sont probables en cas de référendum ou d’une initiative populaire. Il est crucial que les changements soient mis en œuvre progressivement et en harmonie avec les directives de l’UE, tout en évitant que le reporting ne prenne le pas sur les actions concrètes.