Point de situation sur le devoir de diligence sur le travail des enfants en Suisse selon l’ODiTr.
Dans le contexte actuel où l’importance du reporting extra-financier est mise en avant, notamment avec la consultation par le Conseil fédéral d’une harmonisation de la législation suisse avec la norme CSRD de l’Union européenne, les dispositions de l’Ordonnance sur la Diligence et la Transparence en matière de Minéraux et Métaux issus de Zones de Conflit et de Travail des Enfants (ODiTr), découlant de l’article 964j du Code des Obligations, passent « inaperçues ».
Pourtant, depuis le 1er janvier 2022, cette ordonnance impose aux entreprises suisses des obligations conséquentes en matière de diligence raisonnable et de reporting. Dans ce contexte, il est crucial de souligner que les entreprises clôturant leur exercice fiscal le 31 décembre 2023 auraient dû publier leur rapport ou fournir des explications dans les six mois, soit le 30 juin 2024 au plus tard.
L’ODiTr aborde principalement deux enjeux : l’exploitation du travail des enfants et l’origine des minéraux et métaux précieux. Nous nous concentrerons ici uniquement sur la question du travail des enfants. Concernant les minéraux et métaux, il est essentiel de vérifier si votre entreprise s’approvisionne ou met sur le marché des métaux listés dans l’annexe 3 de l’ODiTr.
Les entreprises visées par cette ordonnance sont celles basées en Suisse qui proposent des produits ou services susceptibles d’impliquer le travail des enfants. Pour être exemptées des obligations de reporting selon l’ODiTr, elles ne doivent pas dépasser deux des trois seuils suivants pendant deux années fiscales consécutives :
- une moyenne annuelle de 250 employés à temps plein ;
- un bilan total de 20 millions de CHF ;
- un chiffre d’affaires de 40 millions de CHF.
Les entreprises doivent établir s’il existe un « soupçon raisonnable » de travail des enfants dans leur chaîne d’approvisionnement. Selon le rapport explicatif de l’ODiTr du 3 décembre 2021 publié par le département fédéral de justice et police DFJP, un « soupçon raisonnable » de travail des enfants, se définit par la présence d’indices concrets, tels qu’une photographie ou un article de presse, qui pourraient indiquer cette pratique au sein de la chaîne d’approvisionnement. Si une entreprise détermine qu’il n’y a pas de soupçon raisonnable, elle doit simplement documenter cette conclusion en interne sans nécessiter d’actions supplémentaires. En revanche, si des soupçons sont avérés, l’entreprise doit mettre en place un système de gestion comprenant une politique de chaîne d’approvisionnement et un mécanisme de traçabilité
Chaque année, le conseil d’administration doit rédiger un rapport sur la conformité aux obligations de diligence raisonnable, sans que celui-ci requière l’approbation de l’assemblée des actionnaires. Ce rapport, rédigé en anglais, français, italien ou allemand, doit être accessible au public pendant au moins dix ans.
Le non-respect de ces obligations peut mener à des sanctions financières selon le droit pénal suisse. Celles-ci peuvent atteindre 100 000 CHF pour des informations faussement déclarées de manière intentionnelle ou l’absence de rapport. En cas de négligence, l’amende maximale est de 50 000 CHF.
En conclusion, il est essentiel de reconnaître que le travail des enfants demeure un problème global critique. Le rapport de 2020 de l’Organisation Internationale du Travail révèle que 160 millions d’enfants dans le monde sont concernés par le travail des enfants, dont près de la moitié dans des conditions dangereuses pour leur santé, leur sécurité et leur développement moral.
Ainsi, bien que cela ne soit pas la priorité, les entreprises suisses pouvant être concernées doivent mettre tous les moyens en œuvre afin de respecter l’ODiTr.
Nous restons à votre entière disposition, si vous désirez des informations complémentaires sur ce sujet.
Eric Bustamante Eric.bustamante@asd.eco
Experienced ESG and Sustainability advisor/auditor
Professeur vacataire HEG – ESG/durabilité