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Dans un monde en constante évolution, les entreprises sont confrontées à des défis de transformation sans précédent. Christian Buschbeck, fondateur d’IKAARA, se positionne comme un guide éclairé dans cette quête de performance durable et de conscience accrue. À travers son parcours riche et varié, il a su développer une approche unique basée sur les neurosciences et l’importance des répétitions pour ancrer de nouvelles manières de penser et d’agir. Dans cet entretien, il partage sa vision et ses méthodes pour accompagner les entreprises vers une transformation profonde et durable, en mettant l’accent sur la co-création et l’intelligence collective. Découvrez comment Christian Buschbeck aide les organisations à libérer leur plein potentiel et à naviguer avec succès dans un environnement en perpétuel changement

Q : Qui êtes-vous ? 

Je suis Christian Buschbeck, fondateur d’IKAARA et explorateur de la vie sous toutes ses formes. Mon parcours et mes expériences m’ont amené à accompagner cadres et entreprises pour libérer leur plein potentiel face aux enjeux de transformation. Ikaara est née en 2018, après une conversation marquante avec un dirigeant en plein questionnement. Ce moment m’a révélé une vérité essentielle : nous ne pouvons-nous réinventer qu’en enrichissant notre regard à celui des autres dans une forme de co apprentissage et co création permanente

Mon approche s’appuie sur les neurosciences et sur l’importance des répétitions pour ancrer de nouvelles manières de penser et d’agir. Ce travail permet d’aborder les enjeux stratégiques avec un regard différent et de libérer une énergie collective qui ne se disperse pas, mais s’oriente vers des solutions concrètes et durables.

Q : Pourquoi l’accompagnement au changement est-il crucial pour les entreprises aujourd’hui ? 

Comme un individu, une entreprise a ses angles morts. Elle ne peut se transformer seule. Bien sûr, le changement commence de l’intérieur, mais doit être fédéré en mobilisant de manière structurée et inspirante les forces motrices de l’organisation

Mon livre, Cap sur un business conscient et prospère, explore comment élever son niveau de conscience transforme automatiquement les priorités de l’entreprise. Lorsque nous devenons pleinement conscients de l’impact de nos actions, une nouvelle vision émerge, orientée vers un équilibre entre rentabilité, durabilité sociétale et respect de l’environnement.

Q :  Quels sont les principaux défis pour les entreprises en quête de durabilité ? 

Le principal obstacle est souvent une gouvernance basée sur des indicateurs financiers à court terme. L’approche par les KPI, si elle reste uniquement orientée vers la rentabilité, freine l’adoption d’une performance durable. Comme je l’explique dans mon livre, on ne peut pas résoudre un problème avec le niveau de conscience qui l’a créé. Il faut d’abord évoluer vers un autre palier de maturité pour envisager des solutions nouvelles et durables.

Q :  Quels sont les différents niveaux de conscience dans une entreprise ? 

Mon livre s’inspire de Reinventing Organizations et propose six niveaux de conscience :

  • Niveau 1 : Égocentrique. L’entreprise et son dirigeant cherchent avant tout la reconnaissance et agissent par intérêt propre.
  • Niveau 2 : Conscience KPI. L’organisation mesure tout à travers des indicateurs financiers, opposant souvent rentabilité à durabilité.
  • Niveau 3 et suivants : Progressivement, les entreprises intègrent des dimensions intuitives, relationnelles et émotionnelles. Cette évolution culmine au dernier niveau : l’entreprise régénérative, où chaque décision vise à restaurer et à enrichir l’environnement et la société.

Ce cheminement passe par un cycle conscient : une crise ou un chaos initial, suivi d’une transformation profonde grâce à une évolution émotionnelle et cognitive.

Q : Comment la méthode IKAARA accompagne-t-elle cette transformation / maturation qui conduit à une transformation ? 

La méthode IKAARA repose sur trois piliers :

  1. Prendre conscience de l’impasse / plafond de verre. Les entreprises doivent accepter de se réinventer et d’investir pour changer la culture d’entreprise.
  2. Développer massivement des nouvelles formes d’intelligence. C’est en travaillant sur l’intelligence intuitive, relationnelle et émotionnelle que le niveau de conscience peut évoluer.
  3. Cultiver l’entraide. Une dynamique d’équipe où chacun soutient l’autre permet d’aller plus loin ensemble.

Q : C’est très bien articulé et aussi très théorique. Pouvez-vous nous parler de votre expérience de terrain, nous donner des exemples de mise en œuvre, de mise en matière selon votre expression ?

Tout à fait, et c’est important dans ma posture de conseil à des structures et organisations existantes de pouvoir expliquer où, par mon intervention, j’amène l’organisation. Ensuite, nous déterminons avec mes mandants, souvent les dirigeants / l’équipe de direction et les RH / DRH, les modalités d’accompagnement. Il est nécessaire que ces personnes adhèrent, soutiennent, soient convaincu(e)s ou moteur de cette démarche.

Concernant la mise en matière, je vais vous donner l’exemple de 3 de mes mandats, dans des structures privées et publics. Il est important de parler de ce qui fonctionne mais également de ce qui ne fonctionne pas et surtout de savoir pourquoi, d’apprendre de ses erreurs et d’en faire des richesses plutôt que de les laisser comme des écueils du passé.

Premier cas : Une régie publique et l’expérience de la satisfaction client

Q : Comment s’est déroulée cette intervention ?

Il s’agissait d’une entreprise très hiérarchique, avec une forte focalisation sur l’innovation technique, pour laquelle la régie est très reconnue. Une question qui a émergé assez rapidement était le positionnement de la régie en tant qu’acteur de la mobilité, et non plus seulement comme une simple société de transport.

Q : Quels ont été les étapes clés ?

Nous avons commencé par trois mois de préparation afin de créer un environnement favorable à la transformation. Ensuite, un groupe de 18 collaborateurs a travaillé sur une réflexion complexe et émergente, ce qui a abouti à 60 projets concrets. Nous avons mis en place une véritable « ruche » de créativité.

Q : Quel bilan en tirez-vous ?

L’amorce de la transformation a bien eu lieu, notamment en initiant l’intelligence collective. Cependant, les divisions de cœur de métier de l’entreprise n’ont pas intégré pleinement le programme, ce qui a freiné l’impact global. C’est un échec partiel, mais la mécanique fonctionne bien si on suit le nouveau code défini.

Deuxième cas : Transformation réussie dans un service public

Q : Vous parlez ici d’une transformation qui a abouti. Pourquoi ?

Ce cas est intéressant car la demande émanait directement du leader. Il voulait transformer l’organisation non par nécessité, mais par son esprit visionnaire. Cela a fait toute la différence.

Q : Comment avez-vous procédé ?

Nous avons travaillé sur une période de sept ans, avec une approche progressive. Tout d’abord, nous avons décloisonné l’organisation en impliquant la direction, puis le management. Ensuite, nous avons lancé un programme d’accompagnement interne sur deux ans, avec des sessions de neuf mois chacune. Nous avons mis l’accent sur l’intelligence émotionnelle, le leadership et les méthodes de gestion de projet.

Q : Quels étaient les facteurs clés de succès ?

L’engagement du Directeur Général et de tous les membres de la Direction était essentiels. De plus, un climat de confiance a été instauré, permettant d’ancrer le système dans une nouvelle dynamique. Tous les acteurs étaient intéressés par la transformation, ce qui a renforcé la puissance de l’organisation.

Troisième cas : Une entreprise privée du secteur de la construction

Q : Ce cas semble avoir été une réussite, mais avec des difficultés. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Oui, cette entreprise souhaitait créer une école de formation en interne, axée sur les soft et hard skills. L’idée était d’utiliser ses propres ressources pour former ses collaborateurs et partager son savoir-faire. Nous avons donc formé des formateurs pour garantir une autonomie à long terme et instaurer une culture collaborative.

Q : Quels ont été les obstacles rencontrés ?

Le premier socle de formation a été co-construit sur deux ans, avec un bon niveau de maturité atteignant les niveaux 2 et 3. Cependant, lorsqu’ils ont voulu introduire la semaine de quatre jours payés cinq, cela a été plus difficile. L’entreprise a opté pour une approche « tout ou rien », ce qui a généré des résistances internes et une cristallisation des positions.

Q : Qu’aurait-il fallu faire différemment ?

Avancer par étapes, avec des jalons intermédiaires. Une transformation de cette ampleur nécessite du temps, environ cinq ans dans ce cas. Une des sociétés du groupe a réussi à implémenter la semaine de 4 jours, mais cela n’a pas été suffisant pour l’ensemble de l’entreprise.

Q : En conclusion, quels enseignements tirez-vous de ces expériences ?

La transformation d’une entreprise repose sur plusieurs facteurs : l’implication des dirigeants, l’accompagnement progressif, et une approche adaptée aux spécificités de chaque organisation. Il ne suffit pas d’avoir une bonne idée, il faut aussi créer les conditions favorables à son adoption. Les femmes semblent être plus concernées par cette nouvelle approche et se portent plus facilement volontaires à la réflexion ainsi qu’à l’action.

Q : Vous adressez-vous plus spécifiquement aux femmes ? 

Le livre s’adresse aux femmes car elles apportent une manière nouvelle de penser, à l’inverse des structures patriarcales figées depuis des millénaires. Les femmes, par leur approche plus intuitive et relationnelle, jouent un rôle crucial dans l’émergence d’une économie plus consciente et durable.

Q : Vous parlez souvent de la masse critique comme un levier essentiel pour transformer une organisation. Pouvez-vous expliquer ce concept ?

Absolument. La masse critique est une idée simple mais puissante : pour faire évoluer une organisation, il n’est pas nécessaire que tout le monde change simultanément. Si seulement 10 à 15 % des cadres ou des acteurs clés s’impliquent activement dans une nouvelle dynamique, cela peut suffire à influer sur l’ensemble du système. Ces personnes deviennent alors des moteurs du changement, capables d’inspirer les autres et de catalyser des transformations profondes. La clé, c’est de concentrer l’énergie et les efforts sur un groupe restreint mais stratégiquement positionné, en alignant leurs actions sur une vision commune.

Q : Vous insistez aussi sur l’importance de ne pas vouloir tout transformer d’un coup. Pourquoi est-ce essentiel ?

L’idée de changer toute une organisation et sa culture d’un seul coup est non seulement ambitieuse mais souvent contre-productive. Cela peut créer de la résistance, de la confusion et une perte de motivation chez les acteurs. Au lieu de cela, je préconise de focaliser les efforts sur un objectif unique et stratégique, d’une durée de 12 à 18 mois. Ce type de projet ciblé a un impact immédiat et durable. Non seulement il mobilise les acteurs clés, mais il montre aussi rapidement des résultats concrets, ce qui encourage les autres à rejoindre la dynamique.

En concentrant les efforts sur un objectif bien défini, on évite de disperser l’énergie et on maximise les chances de succès. C’est aussi un moyen d’illustrer concrètement ce que le changement peut apporter, en termes d’amélioration de la performance et d’épanouissement collectif.

Q : Comment ce principe peut-il s’appliquer aux enjeux de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) ?

La RSE est un domaine où cette approche est particulièrement pertinente. Trop souvent, les entreprises lancent des projets RSE trop ambitieux ou abstraits, ce qui peut décourager les équipes et mener à l’échec. Je recommande de commencer par des initiatives à court terme, ciblées et concrètes, qui impliquent l’ensemble des parties prenantes.

Par exemple, au lieu de réformer toute la politique environnementale de l’entreprise, pourquoi ne pas démarrer par un projet clair, comme la réduction des déchets dans un département pilote ou l’établissement d’un programme de covoiturage ? Ces initiatives, bien qu’apparemment modestes, permettent à chacun de voir rapidement les résultats obtenus et le chemin parcouru. Cela crée une dynamique positive et motive les collaborateurs à s’impliquer davantage dans des projets plus ambitieux par la suite.

Q : Quels sont les éléments clés pour mobiliser les acteurs autour de ces projets ?

Tout commence par une vision claire, partagée et inspirante. Les collaborateurs doivent comprendre pourquoi ce projet est important et comment il s’inscrit dans une vision plus large. Ensuite, il faut créer des conditions propices à l’innovation. Les acteurs clés doivent se sentir écoutés et libres de proposer des solutions. Enfin, il est essentiel de célébrer chaque avancée, même petite. Reconnaître les efforts et les succès renforce l’engagement et donne envie aux autres de rejoindre le mouvement.

Q : En conclusion, quel conseil donneriez-vous aux entreprises qui souhaitent amorcer un changement durable ?

Ne cherchez pas à tout réinventer d’un coup. Identifiez un objectif stratégique et mesurable, mobilisez une équipe restreinte mais engagée, et concentrez-vous sur des résultats à court terme. Le changement durable naît de l’action concrète, pas des grands discours. Lorsque les acteurs voient que leurs efforts portent des fruits, ils se sentent naturellement motivés à aller plus loin. C’est ainsi que la masse critique se crée et que l’organisation peut évoluer dans la durée.

En conclusion : La transformation vers un business conscient n’est pas un choix mais une nécessité. Plus qu’une méthode, c’est un cheminement où chaque étape contribue à faire de l’entreprise une force régénérative pour la société et l’environnement.