
CSRD et PMEs suisses
Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’interviewer Charlène Moureau, Manager chez KPMG et qui se concentre sur l’implémentation de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). Nous lui avons demandé comment cette implémentation se passe concrètement sur le terrain.
Bonjour Charlène, en quelques mots qui êtes-vous, quel est votre rôle et à qui vous adressez-vous?
Je m’appelle Charlène Moureau et je travaille chez KPMG depuis six ans. Je suis actuellement Manager dans les services ESG/CSR, où je me concentre sur l’assurance et le conseil pour l’implémentation de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). Mes clients sont principalement des grands groupes internationaux basés à Genève, et j’aide également des clients à Zurich. Mon rôle consiste à les aider à comprendre s’ils sont impactés par les nouvelles régulations ou comment ils vont l’être. Je suis également membre de « Team for the Planet » et fais partie d’une équipe qui offre des services d’accompagnement en français pour les entreprises de Suisse Romande.
Un petit mot sur la CSRD ?
La CSRD est une nouvelle directive européenne dans le cadre du Green Deal européen. Elle intègre le principe de double matérialité et se base sur les standards ESRS (European Sustainability Reporting Standards) comprenant des principes généraux et douze normes couvrant les piliers de l’ESG. Une assurance limitée par un auditeur indépendant est également requise.
Cette directive offre une opportunité de transparence et freine le greenwashing, s’inscrivant dans une démarche stratégique de long terme.
Comment la CSRD impactera-t-elle spécifiquement les PMEs que vous rencontrez en Suisse Romande ?
Les frontières du reporting ne se limitent pas à l’entreprise mais concernent l’ensemble de sa chaîne de valeur (clients, fournisseurs, investisseurs, etc.). Cette directive impactera également les fournisseurs ou clients en-dehors de l’Union Européenne (UE).
Les PMEs peuvent être impactées de deux façons : soit directement, si elles font partie d’un groupe ou sous-groupe européen ou si elles sont basées en Suisse avec des filiales importantes dans l’UE, soit indirectement, si leurs clients sont des entreprises assujetties qui leur demanderont des informations.
Quels sont les principaux défis auxquels les PMEs pourraient faire face pour répondre aux exigences de la CSRD, et comment peuvent-elles les surmonter ?
Les principaux défis incluent la collecte de données (par exemple, la collaboration avec leurs fournisseurs) et le besoin de ressources internes (la collecte des données et la préparation du reporting demandent du temps et de l’argent).
Pour surmonter ces défis de manière pérenne, les entreprises doivent investir, notamment dans le recrutement, mais aussi anticiper et adapter leur modèle d’affaires. Et surtout elles doivent structurer leur gouvernance interne selon le niveau d’ambition visé. La dimension opérationnelle est centrale : la collaboration et la transversalité entre les services est essentielle dans la refonte des processus.
Et vos clientes, PMEs en Suisse Romande, voient-elles des opportunités grâce à la CSRD ?
Ils perçoivent encore la CSRD comme une contrainte. Cependant, il y a de réelles opportunités comme la réduction des coûts via l’efficience énergétique, un accès facilité à de nouveaux marchés et aux financements, l’attractivité des talents et l’acquisition de nouveaux clients.
Quelles sont les étapes concrètes que les PMEs devraient entreprendre dès aujourd’hui pour se préparer à la CSRD, même si elles ne sont pas encore directement concernées ?
Les étapes à suivre dépendent du niveau de maturité de l’entreprise et de son modèle d’affaires.
Voici déjà trois recommandations utiles :
- Commencer par définir une stratégie (conformité pure, vision stratégique ou transformation complète)
- Réaliser une analyse de double matérialité : cartographie de la chaîne de valeur, des parties prenantes, des impacts, risques et opportunités
- Réaliser un bilan de gaz à effet de serre pour mettre en place un plan de réduction des émissions aligné sur l’Accord de Paris.
D’un point de vue opérationnel et organisationnel les entreprises peuvent aussi :
- Former le top management et les employés pour embarquer toute l’entreprise.
- Se rapprocher d’associations professionnelles pour un partage de bonnes pratiques
- Utiliser des outils (SaaS) et interroger leurs parties prenantes pour la collecte de données
- Former une équipe projet en interne pour faciliter la coordination
- Externaliser à des consultants spécialisés pour garantir une approche conforme et complète
En conclusion, les entreprises doivent se préparer dès maintenant aux risques futurs, comme ceux liés au climat et les coûts additionnels que ces risques peuvent engendrés. L’analyse de double matérialité est la clé pour anticiper et répondre aux exigences de la CSRD et mettre en place un plan d’actions structuré.